Cet article a d’abord été une communication au premier colloque international du Groupe d’Histoire des zones humides (GHZH), Le Blanc, octobre 2005. Il est paru dans un numéro de la revue Aesturia « Les zones humides européennes : espaces productifs d’hier et d’aujourd’hui » en 2007.

Résumés :
Au début de la Restauration, des aménageurs urbains reprennent le projet de dessèchement du marais de Donges, en Brière. C’est un projet déjà ancien, élaboré en 1770 mais qui avait dû être abandonné en 1784 face aux résistances des Briérons. En 1817, la compagnie De Bray est réorganisée et de nouvelles propositions de dessèchement sont faites en profitant de la loi de 1807. De nouveau la population briéronne se mobilise pour défendre ses terres communes et son droit de tourbage. Le conflit est violent pendant les travaux dans les années 1821 et 1822. Cependant ce qui nous intéressera dans le cadre du colloque c’est la manière dont les parties argumentent. En effet, avant l’affrontement qui marque l’échec des communautés à faire valoir leur point de vue, le débat est public et les acteurs mobilisent des ressources variées pour se faire entendre. Mémoires et pétitions constituent leurs moyens de forcer les autorités administratives et la compagnie de Bray à la discussion. L’enjeu pour ces élites locales est d’ordre politique. Aux lendemains de la révolution, c’est bien la question du pouvoir local que pose leur résistance.

At the beginning of the Restoration, urban developers take again the project of draining the marsh of Briere. It is an already old project, elaborate in 1770 but which was left in 1784 in front of Brierons’s resistances. In 1817, the De Bray company is reorganized and new proposals for a  draining system are made in accordance with the 1807 law on marshes draining. Once again, the Briere’s population is mobilized to defend its common grounds and its right of peat cutting. The conflict is violent during the drain works in 1821 and 1822. However, what will interest us during this symposium is the way in which the parts argue. Indeed, before the confrontation which marks the failure of the communities to emphasize their point of view, the debate is public and the actors mobilize various resources to be heard. Memories and petitions constitute their means of forcing the administrative authorities and the De Bray company to the discussion. There is real political at stake for these local elites. After the French Revolution, Brierons’s resistance can be understand as an ask for the local authority.

Entre 1817 et 1853, la Brière, vaste zone marécageuse au nord de l’estuaire de la Loire, est secouée par une suite de conflits dont certains sont marqués par des violences, comme lors de l’émeute de juillet 1821. Les conflits opposent les communautés briéronnes à la compagnie De Bray, qui souhaite dessécher une partie de la Brière (celle qu’elle nomme « le marais de Donges »). En réalité le projet est plus ancien mais il s’est soldé, à la suite d’une longue bataille judiciaire et l’arrêt du Conseil d’État de 1784, par une victoire en faveur des Briérons. La Révolution gèle la situation malgré le changement de statut des terres.
À partir de 1817, la nouvelle tentative de la compagnie De Bray bénéficie de conditions plus favorables. Malgré la longue procédure administrative et l’opposition farouche des habitants, le dessèchement du marais de Donges est réalisé. Le second conflit n’est donc pas la répétition du premier. Le contexte est très différent et les acteurs ont appris. Leurs échanges d’idées et d’arguments sont nombreux et il semble intéressant de les étudier en essayant d’en cerner les principaux thèmes.
Comme dans tous les conflits, les acteurs peuvent être répartis selon leur positionnement et leur action. Ainsi, dans ce conflit qui débute au début de la Restauration, il est possible de distinguer deux catégories :
ceux qui utilisent les formes légales du débat public (courriers, mémoires, pétitions, placards, articles, procès),
et ceux qui réagissent plutôt par l’obstruction, le sabotage, la violence aux personnes, l’émeute.
Dans les travaux de l’historiographie du XIXe siècle, ce sont plutôt les seconds qui ont été étudiés (pour s’en tenir à quelques travaux récents, voir Caron, 2002, Ploux, 2002, Lafargue, 1998) même si la question des notables locaux dans leurs rapports au local et au national n’est plus totalement absente (Ploux, 2005). Pourtant, ces groupes sont liés dans la situation provoquée par le dessèchement et par la circulation de quelques individus d’un groupe à l’autre. Dans l’histoire de ce conflit, j’ai montré que lorsque le premier groupe échoue à représenter les intérêts des communautés, à faire valoir leurs arguments, le second groupe entre en scène collectivement (Le Marec, 2005). Dans cette communication, il s’agit d’étudier la manière dont le premier groupe a mené le débat avec la Compagnie De Bray et avec les acteurs institutionnels (sous-préfet et préfet essentiellement). Il nous faut donc considérer le conflit, surtout visible par l’émeute de juillet 1821 comme un débat public, avec un jeu des acteurs et une argumentation sur les enjeux sociaux, économiques mais aussi politiques du dessèchement.
Avec le dessèchement, c’est tout le marais qui est en train de changer. Ce mouvement semble bien perçu par les acteurs du premier groupe dont il faut souligner qu’ils ne sont pas hostiles, par principe, au dessèchement. Ils l’affirment dans les pétitions qu’ils signent en 1818 : « ils n’entendent pas combattre le système du dessèchement des marais en général : ils reconnaissent les bienfaits que de pareils travaux ont procurés en d’autres pays ». La commune de Donges a d’ailleurs demandé un dessèchement dès 1809. Pourtant ses habitants et son maire furent parmi les plus virulents adversaires de la Compagnie De Bray. C’est un paradoxe qu’il faudra expliquer pour ne pas en rester à une représentation simplifiée de la situation.
Expérience de fonctionnement d’institutions – et de procédures – dont l’enjeu est l’existence de pouvoirs locaux nouveaux, notamment dans l’espace communal, le dessèchement des marais de Donges semble cristalliser des tensions multiples. Derrière les arguments que nous allons étudier se profilent les conditions d’une vie démocratique dans la France rurale du début du XIXe siècle.

1- La rupture du jugement de 1784

Dans l’ordre des questions débattues en Brière, aussitôt connu le retour de la compagnie De Bray, la rupture de la « chose jugée » après plus de trente ans de répit fut certainement la plus insupportable. Vint ensuite l’incompréhension des limites imposées à la Brière productrice de tourbe, tandis que la question des plus-values contribua certainement à exacerber les oppositions.

– L’ordonnance de 1817

En 1784, le Conseil d’État met fin à la longue bataille judiciaire qui a opposé les communautés rurales de la Brière à la première compagnie De Bray. Il reconnaît la souveraineté pleine et entière des habitants sur la Brière mottière et les autorise à continuer l’exploitation de la tourbe. Le marais peut rester en indivision. La compagnie De Bray abandonne le terrain et plus de vingt ans s’écoulent avant que la question du dessèchement ne revienne.
La loi du 16 septembre 1807 sur le dessèchement des marais n’a pas de répercussions immédiates. Puis la commune de Donges émet, par une délibération du conseil municipal en 1809, le souhait de réaliser un dessèchement. L’idée n’avance pas mais, en 1817, le public apprend que la Compagnie De Bray s’est reformée et, surtout, qu’elle a obtenu l’autorisation de reprendre les travaux dans ce qu’elle nomme désormais le marais de Donges. La structure juridique et financière est reconstruite en 1812 autour de quelques grands capitalistes, nobles et négociants nantais pour la plupart. Sans faire de publicité, ils parviennent à obtenir l’ordonnance royale du 2 juillet 1817. Cette dernière reprend la question depuis les afféagements de 1771 et l’arrêt du Conseil du roi de 1779 « portant concession du dessèchement de ces marais, et qui ne sont point abrogés par la présente ordonnance ». La décision royale redonne donc vie à des actes gelés par le Conseil d’État en 1784. Toutefois, ce n’est pas l’ensemble de la Brière qui est visée par le dessèchement. L’article 4 de l’ordonnance précise que « les terrains tourbeux connus sous le nom de la Bruyère, lequel comprend toute la partie occidentale… » du marais, à partir de « la chaussée qui conduit aux Grandes Isles … ne seront pas compris dans la concession du dessèchement, et resteront à l’usage de tous les habitans et bientenans de l’ancienne vicomté de Donges ». La concession exclut aussi les « marais gardis, qui sont ceux entourés de temps immémoriaux de douves capables de les défendre des bestiaux et qui sont, en conséquence, possédés privativement ». Ces marais gardis, ainsi que les terrains mis en culture à la périphérie des marais, témoignent de l’ancienneté du grignotage du marais. Depuis le Moyen-Âge, les communautés rurales, collectivement ou à l’initiative de particuliers, cherchent à conquérir des espaces pour l’ensemencement ou des prairies pour les troupeaux (Aberlach-Mandy, 2001). Elles ne paraissent donc pas hostiles à l’idée de dessèchement.
Cependant, pour les habitants des marais concernés, la première question est celle de la remise en cause de la décision du Conseil d’État du 13 janvier 1784, suivi des lettres patentes du 28 janvier puis de leur enregistrement par le Parlement de Bretagne qui, selon eux, maintiennent et confirment les habitants « dans la propriété, possession et jouissance commune et publique de ladite Brière mottière et terrains contenant des tourbes et mottes à brûler, situés entre et dans lesdites paroisses ». La rupture de la chose jugée est donc considérée comme la première grande injustice de cette affaire.

– La délimitation du marais à dessécher

Très vite, les deux parties s’affrontent sur la détermination des espaces à dessécher. Pour la Compagnie, la décision de 1784 concerne la Brière mottière mais les terres concédées n’en font pas partie. Il s’agit du marais de Donges dont les terrains sont de nature différentes.
Pour les communes et les habitants qui refusent le dessèchement, il s’agit au contraire du même marais. Pour faire naître cette erreur dans le Conseil de sa Majesté, expliquent-ils, la Compagnie « a désigné les prétendus marais à dessécher sous le nom de marais de Donges, pour les faire considérer comme des marais ordinaires », c’est-à-dire non tourbeux. Ainsi, en « traçant une ligne imaginaire de démarcation entre les prétendus Marais de Donges et la Brière elle donne à entendre qu’ils sont des objets distincts différents par leur nature ». Pour les opposants, par la création d’une catégorie nouvelle dans la géographie locale, les dessècheurs peuvent considérer qu’ils ne sont plus tenus par le règlement de 1784 mais, écrit le maire de Montoir, « toux ceux qui connaissent ces marais savent qu’ils sont une continuation de la Brière mottière dont ils ne sont séparés que par la ligne imaginaire de l’ordonnance ». Cependant, l’origine du nom « marais de Donges » vient de l’appellation utilisée avant la Révolution française pour nommer cet espace, « la vicomté de Donges ». Ainsi, en 1775, on trouve des textes écrits par les dessècheurs « au sujet des marais de la vicomté de Donges ». La notion de vicomté ayant disparu, il reste l’expression « marais de Donges ». C’est bien cet espace qui a été arpenté et cartographié par l’ingénieur – géographe du roi Ogée en 1775. C’est lui qui a tracé cette ligne « imaginaire » entre la Brière que l’on appellera désormais mottière pour la distinguer du reste de la Brière, et notamment du marais de Donges.
Cela  dit, la remarque du maire pose un autre problème dans cette affaire : celui de la connaissance et de l’expertise. On constate en effet que l’attitude régulière des opposants est de refuser l’expertise venant de personnes extérieures au marais au nom de leur incapacité à le connaître. Seule la connaissance intime du marais permet le jugement et il faut se méfier des savoirs extérieurs qui se portent sur la Brière. La connaissance et l’expérience constituent donc deux critères qui séparent les parties. Néanmoins, comme il est difficile de dénier aux ingénieurs des Ponts et Chaussées une connaissance du terrain, et qu’ensuite, on le verra, l’expertise est aussi constituée par une étude attentive du terrain, les opposants sont appelés à répondre, eux aussi, en exhibant des connaissances scientifiques, c’est-à-dire des connaissances qu’ils accueillent de l’extérieur de leur marais.
La grande difficulté des élites locales dans ce conflit est donc de conserver des positions cohérentes : refus des expertises extérieures au marais, refus des connaissances théoriques qui obligent à un regard plus rationnel, refus des techniques lourdes du dessèchement, car les nécessités de l’argumentation et la recherche de la discussion interdisent de respecter ce triple refus qui fait consensus au sein des communautés villageoises.

– Les termes de l’accord de dessèchement

Selon l’ordonnance de 1817, les terrains situés dans la concession de la compagnie De Bray doivent faire l’objet d’une classification. La division des terrains en dix classes est effectuée selon trois critères : leur caractère inondable, c’est-à-dire l’importance et la durée de leur submersion, la qualité de leur sol et leurs productions agricoles (quantité et qualité). À chaque classe est accordée une valeur à l’hectare et l’éventail s’étire de 1840 francs pour la première à 40 francs pour la dixième. L’expertise est menée en trois mois pendant l’été 1819. Les experts, extérieurs au marais, rencontrent l’hostilité des communautés villageoises, notamment des femmes qui les harcèlent de leurs questions et de leurs insultes ce qui, aux dires des rapporteurs, est particulièrement éprouvant.
Pourtant, ce sont les conséquences de cette classification qui entraînent le plus de protestations. En effet, l’ordonnance prévoit qu’à la suite des travaux, les anciens propriétaires, individuels ou collectifs, ont la possibilité de payer une plus-value correspondant aux 4/5 de la valeur acquise par le terrain ou bien de céder à la Compagnie la moitié de la surface afin qu’elle la propose à d’autres acquéreurs.
Cette question de la plus-value empoisonne le débat sur le dessèchement et mène la plupart des propriétaires à le combattre. De nombreux propriétaires, individuellement, collectivement ou sous le couvert des notables locaux adressent des pétitions à la préfecture pour protester contre le « faux classement » et demander sa révision. La même commission d’experts examine de nouveau les terrains sujets à des réclamations, effectue quelques reclassements dans le sens des propriétaires mais, globalement, confirme son premier rapport. L’insatisfaction est grande et la mise en place d’une commission spéciale pour le contentieux, composée selon les opposants de membres qui n’ont « aucune connaissance locale », ne règle rien. Les terrains les moins bien classés étant assujettis aux plus-values les plus importantes, les petits propriétaires et les communautés détentrices des indivis, n’ont d’autre choix que d’en céder une partie à la compagnie capitaliste. Comme le note justement l’auteur d’un placard en 1821, c’est bien la question des plus-values qui génère l’opposition des propriétaires.
Pourtant, alors que ces derniers manifestent d’abord et essentiellement par les moyens légaux, mémoires, pétitions, les villageois, attachés à la propriété indivis, se mobilisent surtout pour la défense des tourbières. C’est dire que le projet de dessèchement entraîne un second débat, sur la nature du sol et du sous-sol briérons.

2 – La nature du marais de Donges

Au cœur de la dispute se situe la nature des terrains du marais dit de Donges. Pour la Compagnie et ceux qui la soutiennent, notamment l’État et ses services, les terrains convoités sont de mauvaise qualité et certainement pas constitués de tourbe à mottes. Ce constat justifie en lui-même le dessèchement. Cependant, on le verra, chaque partie a tendance à généraliser et à simplifier, ce qui contribue à brouiller le débat.

– Le marais de Donges est-il un marais à tourbe ?

Pour les communautés villageoises, représentées par les notables locaux, la question de la tourbe est essentielle. C’est une ressource de première importance et il s’agit de la conserver dans leur giron. Plusieurs questions se posent : Le dessèchement va-t-il faire disparaître le gisement ? Le marais dit de Donges est-il de la même nature que le marais de la Grande Brière mottière ? Pour la compagnie la réponse aux deux questions est négative. La tâche des opposants est donc d’effectuer la démonstration inverse.
Dans leurs propos, et notamment dans les mémoires et les pétitions, une grande partie de l’argumentation est donc d’évoquer la nature du sol. Les opposants refusent de considérer leur marais comme « des terrains bourbeux et stériles », donc de le confondre avec un marais ordinaire, car, disent-ils, c’est un marais tourbeux. Plusieurs textes se réfèrent à des connaissances scientifiques et évoquent précisément l’histoire et la nature de cet espace.

« Dans le département de Loire – Inférieure, au nord de l’embouchure de ce fleuve, il existe une vaste tourbière entourée de marais et enclavée par les communes réclamantes et plusieurs autres. Le bassin de cette tourbière paraît avoir été anciennement un golfe qui, à toutes marées, se remplissaient des eaux de la mer. Un atterrissement successif a empêché le séjour continuel des eaux dans le bassin, qui a néanmoins retenu les eaux pluviales et celles de plusieurs étangs. De là la production de diverses plantes. Le séjour, les débris de feuilles de plantes mêlées à des parties terreuses ont formé la substance de la tourbe, qui, en se desséchant, est devenue combustible. Les tourbes ne sont, en effet, qu’un amas de parties végétales pourries qui s’accumulent journellement, et qui, étant épuisées se reproduisent ensuite par un nouvel amas de matières. ».

Voilà pour le sous-sol. Quant aux sols eux-mêmes, les débats ont tendance à confondre les marais à tourbes et les prairies à herbage.

– Le marais est-il un espace plus complexe ?

En effet, si pour les uns, la tourbe est essentielle, pour les autres, l’herbage est la production à respecter. Les prairies à herbage sont en périphérie du marais tourbeux, constituées de parcelles privées, entourées de fossés (les douves) qui servent à l’évacuation des eaux hivernales. Ce sont des pâturages et des prés à foin. Certains écrits distinguent d’ailleurs les prés, situés dans les parties hautes, et les prés – marais, dans les parties basses, plus mal égouttés et qui, en conséquence, sont de moins bonne qualité. Cette différenciation entre les terrains à tourbe (en indivision) et les terrains à herbe (en propriété individuelle) n’est pourtant pas faite dans certains écrits parce que leur objectif est bien de généraliser le caractère tourbeux du marais de Donges et d’en situer la défense dans le cadre défini par l’arrêt de 1784. Ainsi cette pétition qui cherche à mettre en évidence le rôle de l’eau dans le milieu spécifique du marais :

« Les terrains dont il s’agit sont tourbeux à une grande profondeur ; la tourbe n’est recouverte que d’un ou deux pouces de limon vaseux, sur lequel croissent les gros herbages qu’on y recueille. Le sol par lui-même ne peut procurer de nourriture à ces plantes. Elles ne la reçoivent que par les eaux qui y séjournent et il est de fait que plus les eaux sont tardives à se retirer l’été, plus les herbages sont beaux ».

La question de l’eau est importante mais les opposants ne veulent pas des techniques apportées par les ingénieurs. Ils craignent que les fossés et les canaux n’accélèrent l’évacuation des eaux. Pour eux, on ne peut comprendre l’équilibre délicat entre la terre et l’eau que par l’expérience d’une exploitation régulière de ces terrains : « il est prouvé par l’expérience qu’ils ont besoin d’être couverts d’eau pendant la plus grande partie de l’année pour produire leurs abondantes récoltes ». Cela revient comme un leitmotiv : les marais à tourbe et à herbage ont besoin d’eau et le dessèchement risque de les priver trop vite et trop tôt de cette eau. Une pétition précise même que les douves de ceinture et de clôture ne sont curées que tous les neuf ans et encore, cette périodicité peut être augmentée « suivant que ces terrains sont plus ou moins submergés ». En clair, le nettoyage des douves et fossés d’écoulement ne se fait que si l’égouttage des terrains tarde trop mais, dans le cas contraire, laisser les fossés s’envaser permet de ralentir la circulation de l’eau. C’est un moyen de régulation qui fait l’économie des écluses et des vannes que les dessècheurs veulent installer à grands frais. Ici, c’est bien un savoir pratique local, existant seulement dans les communautés paysannes qui est jugé valide par les opposants au dessèchement. C’est eux qui ont fait le marais et ils en assurent l’existence de façon pragmatique.
Le marais de Donges n’est d’ailleurs pas dépourvu de voies d’eau. Le cadastre de 1826 indique le cours du Brivet que la compagnie a l’intention de rectifier. C’est aussi le cas du canal de Brousse. De fait, les travaux de 1820 – 1830 n’ont pas changé la topographie des étiers qui traversaient ces marais.
Il existe cependant des failles dans l’argumentation des opposants qui hésitent entre défense de la tourbe et protection des herbages. Si le marais de Donges est un marais tourbeux, ce n’est pas un marais exploité par des coupes régulières de tourbes. Les habitants n’y vont pas prioritairement faire des mottes. Le mémoire de l’avocat Odilon Barrot le reconnaît à demi-mot qui dit : « les portions de marais qui environnent la partie qu’on a appelé Brière font un tout avec elle, quoiqu’elle contienne la tourbière en exploitation ». Les chantiers ordinaires des villageois sont en effet à l’ouest de la ligne des îles et seules les circonstances de la lutte contre le dessèchement poussent les habitants à couper des mottes à l’est. Ainsi, le marais de la Boulaie, sous-ensemble du marais de Donges, est exploité sauvagement à partir des années 1820 parce que les travaux des dessècheurs y ont débuté et que la majorité des habitants de Saint-Joachim veut affirmer l’importance de conserver ce bien commun. Cependant, en allant couper des mottes dans le marais de la Boulaie, les habitants modifient leurs usages, au grand dam des villageois de l’île de Pavin, eux aussi sur la commune de Saint-Joachim, favorables au dessèchement dont ils espèrent des prairies pour leur troupeau, justement dans le marais de la Boulaie. Le maire de Saint-Joachim, Pierre Vince, soutenant les premiers, conseille toutefois à ses administrés d’exploiter d’abord les tourbières de la partie occidentale de la Brière et de conserver le marais de la Boulaie pour les années pluvieuses. Autrement dit, il semble bien difficile de concilier l’exploitation des tourbes et le pâturage, les excavations produites par la coupe des tourbes ruinant les pâturages et les herbages. Les terrains sont donc bien spécialisés, ce qui constitue une caractéristique que ne veulent pas reconnaître les opposants parce qu’elle affaiblit leur argumentation.
Par ailleurs, et c’est une autre difficultés pour les opposants, les pétitions des habitants, qui réclament contre les classifications de leurs terrains faites par les experts, globalisent leur opposition et ne veulent considérer leurs propriétés que sous la caractéristique de bonnes terres à herbage. Tous les réclamants crient à l’injustice et au déni en considérant que leurs terres sont déclassées et, en conséquence du travail de dessèchement, qu’ils devront payer des plus-values à la Compagnie. Les experts de la commission d’évaluation des terres ont beau jeu de considérer les parcelles dans le détail, selon leur situation dans le marais, d’abord en fonction de leur altitude et ensuite, selon leur éloignement des étiers d’évacuation des eaux. Ils considèrent, à l’inverse des opposants, que la stagnation des eaux sur les terrains est dommageable à sa productivité, et c’est à cette aune qu’ils répartissent les parcelles. Sur tel terrain, ils notent que « l’eau est stagnante une grande partie de l’année, motif suffisant pour comprendre ce terrain dans les limites du dessèchement ». À un propriétaire « prétendant que ses prés sont de très bon rapport comme prés hauts et marais », les experts répondent en constatant « l’inondation considérable qu’il éprouve de sa situation dans un fond bas où les eaux n’ont aucune issue, ce qui a empêché l’enlèvement d’une partie des productions de l’an dernier, et qu’en outre, le sol est parsemé de racines de végétaux dont le fourrage est de très peu de valeur ». Ou encore, retournant dans le marais pour vérifier leurs relevés, ils affirment n’avoir trouvé aucun pré haut mais des terrains « au contraire extrêmement marécageux… trop éloignés de l’étier du Bas-Brivet pour qu’ils puissent s’y dessécher utilement, même dans le temps des basses-eaux ».
Autrement dit, les réclamations ne tiennent pas face à l’analyse des experts, quoi qu’en disent les réclamants. Pour l’historien, attentif à ne pas poser de jugement de valeur et encore moins à départager les acteurs parce qu’il connaît la fin de l’histoire – la réussite agricole du dessèchement – il est nécessaire de prendre en considération tous les arguments. Il semble bien clair que pour les élites administratives, économiques et intellectuelles qui interviennent tour à tour dans ce débat, les paroles et les sentiments des communautés villageoises comptent bien peu. Toute l’histoire des aménagements dans l’estuaire de la Loire est marquée par ce déni (Le Marec, 2003), ce qui n’empêche pas les partisans du dessèchement d’argumenter et donc de s’affronter aux communautés villageoises sur la caractérisation du marais, son intérêt économique et sa salubrité.

3 – La valeur économique du marais

Sur cette question s’opposent les visions irréductibles des deux parties sur le marais : terres de misère d’un côté, richesse à préserver de l’autre. Comment comprendre une telle différence de représentation ?

– Des terres à valoriser ?

Dès 1817, les partisans du dessèchement font paraître un fascicule vantant les mérites des travaux annoncés. Les canaux, ponts et routes rendront les communications dans le marais plus faciles. Le transport des mottes sera facilité par « les nombreux canaux de navigation ». Les roseaux et les rouches seront d’une meilleure qualité. La valeur des terres limitrophes augmentera. Les maisons seront assainies, les bestiaux plus vigoureux, le commerce développé. Les exemples des marais de Saint-Gildas et de Cordemais, récemment asséchés, montrent que les herbages sont de meilleure qualité. La preuve : « les prés n’ont jamais été affermés aussi cher que depuis le dessèchement ». L’année suivante, le Conseil général des Ponts et Chaussées assure aussi que le dessèchement, « en rendant à l’agriculture plus de dix mille hectares de marais qui sont aujourd’hui à peu près sans valeur, facilitera en même temps l’extraction des tourbes dans les brières, branche importante et nécessaire à l’existence d’un grand nombre de familles du pays ».
Dans une lettre au Garde des Sceaux, le ministre de l’Intérieur et des Travaux Publics ne prend pas tant de précautions et s’étonne des oppositions:

« S’il fallait en croire les réclamans, le dessèchement, sous le rapport des intérêts de l’agriculture ne serait qu’un faible avantage comparé à celui dans leur état actuel… Une allégation aussi extraordinaire et si contraire aux probabilités les plus ordinaires ne mérite pas d’être réfutée, je ferai toutefois remarquer que l’étendue du Marais de Donges est d’environ 10 000 hectares et qu’on ne persuadera jamais personne que le dessèchement d’une étendue aussi considérable de terrains ne puisse être plus avantageux à la population, au commerce et à l’accroissement des subsistances, que de laisser ces terrains couverts d’eau en ne donnant en quelque sorte pour tous produits que des roseaux destinés à couvrir les maisons et des joncs pour faire de la litière aux bestiaux ».

Cette argumentation trouve un écho très favorable dans les milieux capacitaires nantais et particulièrement à la Société académique. En août 1820, lors de la réunion solennelle de la société savante, son président, le médecin Fréteau, évoque la question du dessèchement en y voyant : « le besoin de rendre à l’Agriculture un terrain immense qui semblait être condamné par la nature à une stérilité éternelle, de purger la contrée d’un vaste foyer d’épidémie, de fournir du travail et des moyens de subsistance à un grand nombre d’indigents, d’accroître les éléments du commerce et de l’Agriculture ». Ce projet est marqué par une représentation de la Brière comme un espace de misère : « ainsi des milliers d’habitants qui languissaient au milieu des eaux et qui portaient sur leur front l’empreinte de la misère trouveront dans le dessèchement du marais de Donges la santé, la vigueur et un état d’aisance qui leur était inconnu ».
Les personnalités de la société savante nantaise qui expertisent les innovations dans le domaine de l’agriculture sont totalement réceptives à ce type de discours. Convenus et diffusés tout au long du 19e siècle par les élites, qu’elles soient capitalistes ou chargées des grands services de l’État, ils portent de manière globale sur les bienfaits du progrès face à l’économie paysanne traditionnelle. Pour combattre l’archaïsme et la misère, l’agriculture doit s’ouvrir aux progrès ; défrichements et dessèchements, machines et engrais, comices, fermes modèles et écoles d’agriculture, les campagnes de Loire-Atlantique doivent bruisser de tous ces changements (Bourrigaud, 1994) qui laissent peu de place à la nostalgie du passé ou font peu de cas des considérations sur les bienfaits de la tradition. Les réactions vives de la part des opposants briérons leur sont donc difficilement compréhensibles. Comme l’écrit l’ingénieur Rapatel, « il faudrait être persuadé que des terrains presque constamment couverts d’eau, dont les produits très médiocres ne peuvent être récoltés qu’avec peine, sont préférables à des terres en excellent rapport et d’une exploitation très facile ». L’évidence de la formulation interdit de penser le bien-fondé des résistances paysannes.
Il nous faut pourtant expliquer l’acharnement de la grande majorité des Briérons à refuser le dessèchement de la compagnie De Bray. Nous avons vu la question des plus-values et celle des tourbes. Est-ce aussi le fait d’être persuadé de la richesse de leur marais ?

– Des richesses à préserver

Dans le mémoire que l’avocat Barrot diffuse au début de l’année 1818, le ton est donné :

« La Brière n’offre à sa surface presque qu’aucun végétal mais son fond est une ressource du plus grand intérêt. Il fait vivre plus de vingt mille habitants riverains qui sont en état de fournir du chauffage, non seulement aux communes circonscrites, mais encore à la majeure partie du département et à un grand nombre de communes des autres départements de Bretagne. Nantes n’use que de tourbes pour son chauffage parmi le peuple ; il en est ainsi pour plusieurs autres villes… ».

Il est un fait que, lorsque l’émeute des Briérons se fait entendre jusqu’à Nantes, à l’été 1821, la rumeur enfle dans la ville que l’on veut supprimer les tourbières. Le prix des mottes augmente fortement. Le préfet s’inquiète de troubles possibles. Cela fait bien démonstration que l’économie briéronne est reliée à l’économie régionale.
Cette question des tourbes est essentielle pour les communautés briéronnes. Les familles ne peuvent vivre des bienfaits de l’agriculture mais la coupe de la tourbe, qui s’organise en chantiers de village, occupe tous les bras masculins dès les beaux jours, c’est-à-dire au moment où les eaux se retirent suffisamment pour permettre les excavations dans le sol. À la fin de l’été, la taille des mulons de tourbe indique l’importance des récoltes et l’automne est utilisé pour le transport et la commercialisation. La crainte des Briérons est de deux ordres : d’une part, ils pensent que le dessèchement va porter atteinte au sol et ne permettra plus à la tourbe de se former, parce qu’ils croient nécessaire de voir la tourbe recouverte d’une forte couche d’eau, d’autre part, le processus de capitalisation du marais menace directement la propriété communautaire.
Cependant, comme nous l’avons vu, le marais de Donges n’est pas seulement constitué de terres à tourbes – d’ailleurs très peu exploitées – mais surtout de prés et de prés – marais. Les maires des communes concernées par le dessèchement insistent aussi sur le caractère productif de ces terres :

« Ces marais contiennent une substance sulfureuse, une espèce de manne végétative qui les couvrent chaque année d’une immense moisson de gros herbages… ressources précieuses pour trente mille famille d’agriculteurs… Ces riches productions sont absolument nécessaires pour la nourriture et la litière de nombreux bestiaux des riverains, les couvertures de leurs maisons, l’engrais de leurs terres. Vingt mille charretées de ces productions sont sorties des marais en été ».

On peut évidemment discuter la valeur de ces statistiques. Elles sont approximatives mais reflètent l’importance locale accordée à ce système. Quelques années plus tard, les pétitions reprennent la même idée : évoquant le mauvais classement de leurs terres, elles décrivent les « bons rapports qui sont pour la qualité et la quantité du produit ce qu’il y a de meilleur sous ces sortes de biens qu’ils ne peuvent aucunement être améliorés par le dessèchement projeté ». En fait, les écrits des opposants reprennent la même argumentation : le marais à tourbe est rentable et fait vivre quantité de familles ; les prairies à herbage fournissent déjà des récoltes abondantes. Ils sont donc persuadés qu’elles ne peuvent être que détériorées par le dessèchement.
Lors de sa session de 1819, le Conseil Général de Loire – Inférieure, pourtant peu suspect d’opposition, estime aussi que l’utilité du dessèchement est « tout à fait imaginaire » et, en 1821, tout en regrettant les actions violentes, il justifie l’hostilité des communautés briéronnes, en expliquant que le projet est une « entreprise généralement désapprouvée dans le pays » et une opération « injuste et préjudiciable au public ». Cette idée d’un projet tourné vers des intérêts privés est d’ailleurs très présent dans les écrits des opposants. L’année précédente, Pavin, un juge de paix de Saint-Nazaire qui intervient fréquemment comme représentant des villageois, écrit au préfet qu’il y a lieu « d’espérer que l’intérêt de plus de cent mille français à la conservation intacte de ces tourbières sera enfin préféré aux spéculations de quelques simples particuliers fondant le rétablissement de leurs fortunes sur la misère de nos contrées ». C’est sans doute dans cette direction qu’il faut envisager la raison essentielle de l’opposition des communautés villageoises.

– La question du pouvoir local

Cette opposition s’exprime de différentes manières, selon des temporalités liées aux activités économiques et sociales de ce monde rural mais, en dernier ressort, ce qui les unifie réside bien dans une hostilité majeure à l’intrusion d’un monde extérieur, urbain et capitaliste. Il est en effet certain que les populations briéronnes ne sont pas, par principe, hostiles au dessèchement. Comment comprendre autrement les travaux séculaires de grignotage du marais par des propriétaires particuliers ou bien la délibération du Conseil municipal de Donges, une des communes les plus virulentes, maire en tête, contre le projet de la compagnie De Bray ? Donges exprime son intention de dessécher son marais en 1809 et passe ensuite des années à lutter contre les travaux. À la fin du 18e siècle, Espivent de la Villeguévray, livrait une explication qui nous semble toujours valable trente ans plus tard sur la conception des Briérons concernant le dessèchement :

« C’est ce que les vassaux ne manqueront pas de faire quand ils auront expulsé les étrangers de leurs marais. Car, plus ces travaux seront simples et peu coûteux, et moins nous aurons besoin qu’une compagnie vienne nous enlever malgré nous, la moitié de notre terrain ».

Parmi les élites locales, et c’est très différent pour les paysans qui craignent la fin des tourbières, le dessèchement est certainement un bienfait, à condition d’en avoir la maîtrise. Cet aspect est important, sans doute la clé de la mobilisation de quelques uns, au-delà du problème de la propriété ou du paiement des plus-values. Dans le monde briéron du début du 19e siècle, la question du pouvoir est complexe mais déterminante. La Révolution française a transformé les modalités du pouvoir même si d’anciens seigneurs ont réussi à s’imposer dans leur commune, comme Espivent à Prinquiau. L’autorité centrale, représentée par le sous-préfet de Savenay, est certes de plus en plus présente mais les courriers nombreux que ce dernier échange avec les maires ne doivent pas faire illusion. Dans les communes, une nouvelle couche de petits notables espèrent jouer un rôle plus formalisé, tant d’un point de vue politique que social. Ce sont aussi souvent de petits propriétaires et dans l’affaire du dessèchement, le fait de se porter en avant comme procurateur des habitants, c’est-à-dire des propriétaires, est un acte qu’il faut lire dans le processus de recomposition du pouvoir local (Le Marec, 2005).
Mémoires et pétitions participent de ce processus et tendent à donner à cette lutte pour le pouvoir une allure d’apprentissage du politique dans ce monde local, rural et plutôt éloigné des sphères du pouvoir régional. Éloignement relatif toutefois ; la manière dont le débat est conduit avec ses assemblées, commune par commune, les modèles de pétition qui circulent, les formes de l’argumentation, la controverse que l’on n’hésite pas à engager avec des membres de la société savante, ces pratiques du politique indiquent que les petits notables briérons n’ont plus rien à apprendre des élites urbaines.
L’enjeu est pourtant de taille. De la capacité de ces élites locales à imposer des pratiques du politique, plus respectueuses du local, dans la connaissance du milieu, du terrain, de la possibilité d’élaborer des compromis dans le respect des sensibilités et de l’histoire locale, dépend leur écoute par un monde villageois prompt à proposer ses pratiques traditionnelles de résistance. Quand la pétition ne suffit plus à faire reculer l’intrus, la violence collective est une modalité reconnue et l’ensemble de la communauté s’y résout. C’est ainsi qu’il faut entendre la présence remarquée de Pavin, le juge de paix rédacteur des pétitions, au milieu des rassemblements lors de l’émeute de juillet 1821.

C’est, me semble-t-il, la raison pour laquelle les arguments sont si tranchés, si parfaitement opposés. Les élites locales, qui mènent le débat avec les autorités administratives et la compagnie De Bray, sont convaincues de l’utilité du dessèchement. Leur connaissances des savoirs scientifiques, leur capacité à discuter avec les membres de la société savante ne laissent pas de doute sur leur compétence et leur compréhension des enjeux économiques du dessèchement. Cependant, en menant un dessèchement à leur manière, par de petits travaux, respectant les rapports de propriétés qui sont aussi des rapports sociaux favorables aux petits propriétaires, les travaux envisagés seraient bien dans la continuité du grignotage séculaire du marais. L’enjeu du débat est donc bien l’avenir d’une élite locale qui peine à trouver sa légitimité. L’espace politique que lui laisse la Restauration existe bien sur le papier. Les possibilités du débat et de l’action démocratique ne sont pas nulles. En détournant l’usage des pétitions et des mémoires judiciaires à des fins collectives, ces élites locales investissent bien l’espace public. Cependant le poids des élites urbaines et capitalistes est trop important dans cette affaire. L’intérêt des ingénieurs des Ponts et Chaussées à faire aboutir le dessèchement est aussi manifeste. Tout concourt à l’échec des Briérons dans le débat public et ainsi, à rendre inévitable l’affrontement. C’est parce que le compromis est impossible dans le débat que le conflit peut se transporter sur le terrain.

Bibliographie :

Aberlach-Mandy, M.-O., 2001, « Espace rural et aménagement des marais à Donges, du Moyen-Âge au XVIIIe siècle », Æstuaria, n°2, p. 13-39.
Bourrigaud, R., 1994, Le développement agricole au 19e siècle en Loire-Atlantique, Nantes, Centre d’Histoire du Travail.
Caron, J.-C., 2002, L’été rouge. Chronique de la révolte populaire en France (1841), Paris, Aubier, 348 p.
Jarrige, F., 2004, « Une “barricade de papiers” : le pétitionnement contre la restriction du suffrage universel masculin en mai 1850 », Revue d’Histoire du XIXe siècle, n° 29.
Lafargue, J., 1998, La protestation collective, Paris, Nathan, 128 p.
Le Marec, Y., 2003, « Le bac ou le chenal ? Identité locale contre projet d’État dans l’estuaire de la Loire », in Jacques-Guy Petit et André – Louis Sanguin, Les Fleuves de France atlantique, L’Harmattan, p. 100-113
Le Marec, Y., 2005, « Les émeutes de la Brière dans la première moitié du 19e siècle », communication au colloque Sociabilité et politique dans le monde rural, Rennes, 6, 7 et 8 juin.
Ploux, F., 2002, Guerres paysannes en Quercy. Violences, conciliations et répression pénale dans les campagnes du Lot (1810 – 1860), Paris, La Boutique de l’Histoire, 376 p.
Ploux F. 2005, « Mobilisation politique et formes de sociabilité dans un département du Sud-Ouest au XIXe siècle », communication au colloque, Sociabilité et politique en milieu rural, Rennes, 6, 7 et 8 juin.